Andrew HardingIawajh@nus.edu.sg Professeur-chercheur invité à la Faculté de droit de l’Université nationale de Singapour, Andrew Harding est un éminent spécialiste des études juridiques asiatiques et s’est beaucoup intéressé au droit constitutionnel de la Thaïlande et de l’Asie du Sud-Est. Coauteur de l’ouvrage The Constitutional System of Thailand: A Contextual Analysis paru chez Hart Publishing en 2011, il est aussi codirecteur et fondateur de la série dont cet ouvrage fait partie, Constitutional Systems of the World, publiée par Hart/Bloomsbury Publishing. Son dernier livre, paru aux Presses universitaires de Cambridge en 2018, s’intitule Constitutional Courts in Asia. |
Résumé
En Malaisie1, le fédéralisme n’a pas nécessairement pour but de régler les divergences ethniques. Le Sabah et le Sarawak, sur l’île de Bornéo, font toutefois exception, l’identité de ces deux États reflétant essentiellement celle des populations autochtones qui les habitent. Admis au sein de la Fédération de Malaisie pour former la Grande Malaisie (Malaysia) en 1963, le Sabah et le Sarawak jouissent de garanties et de pouvoirs constitutionnels supplémentaires par rapport aux 11 autres États de la Fédération. Cependant, au cours des six dernières décennies, l’ingérence politique a eu pour effet d’affaiblir l’autonomie qui leur avait été conférée, et le régime fédéral, dans son état actuel, suscite beaucoup de ressentiment, car de l’avis de nombreux Sabahans et Sarawakiens, la Fédération n’a pas su honorer les conditions de la convention initiale ni respecter les intérêts et les droits fonciers des populations autochtones. Dans cet article, l’auteur soutient que, malgré les garanties constitutionnelles et les pouvoirs asymétriques prévus, l’autonomie de ces États n’a pas été préservée.
Fédéralisme et ethnie
Le fédéralisme malaisien ne doit pas son origine ni son maintien sur six décennies à la diversité qui caractérise la société malaisienne. En effet, on pourrait dire de la diversité ethnique et religieuse qu’elle transcende les frontières des États plutôt que d’être définie par elles. Toutefois, les États du Sabah et du Sarawak, situés en Malaisie orientale, sur l’île de Bornéo, font particulièrement exception et l’objet, pour deux raisons, de la présente étude.
Premièrement, ces deux États, contrairement à ceux de la Malaisie péninsulaire ou occidentale, se définissent par leur caractère ethnique. Les populations originaires du Sabah et du Sarawak sont désignées officiellement et juridiquement par le vocable « autochtones », employé pour qualifier une grande partie des populations tribales libellées comme telles dans ces deux États, notamment les Iban, les Murut, les Kadazan, les Kenyah, les Penan et de nombreux autres groupes[1]. Les Iban forment environ 31 % de la population du Sarawak, tandis que les Kadazan constituent le premier groupe en importance du Sabah, avec 17 %. Les peuples autochtones, qui regroupent en tout quelque 2,2 millions de personnes, représentent un peu plus de la moitié de la population de ces deux États. De plus, le Sabah et le Sarawak réunissent environ 60 % de la superficie territoriale et des abondantes ressources naturelles de la Malaisie, mais à peu près un huitième seulement de sa population.
Deuxièmement, ayant rejoint en 1963 une fédération déjà établie (la Fédération de Malaisie) pour former, avec Singapour (qui s’est retiré en 1965), la « Grande Malaisie » ou la « Malaysia » telle que définie en vertu de l’Accord relatif à la Malaisie de 1963 (T. Y. Tan, 2008), le Sabah et le Sarawak constituent également un exemple de fédéralisme asymétrique, car ils jouissent de plus de pouvoirs que les 11 autres États malaisiens.
Bon nombre de Sabahans et de Sarawakiens diraient que leur expérience en fédération est un exemple de fédéralisme raté en ce sens que l’entente initiale, formulée dans l’Accord relatif à la Malaisie et les documents connexes, n’a pas été respectée, et particulièrement que les intérêts culturels et socioéconomiques des autochtones de ces États de même que leur autonomie politique et constitutionnelle n’ont pas été protégés. Ainsi, bien que le fédéralisme malaisien puisse être qualifié de réussite à bien des égards, du point de vue de la Malaisie orientale, le fédéralisme, dans la forme pratiquée, pose de sérieux problèmes, et ce, en dépit des pouvoirs asymétriques dont la population bénéficie (Chin, 2014a).
Évolution du fédéralisme malaisien
Le fédéralisme a pris forme en tant que principale structure de gouvernement en Malaisie en 1948 comme conséquence du refus des Malais de voir leurs anciennes monarchies et États traditionnels abolis. En effet, après la conclusion de l’accord sur la Fédération de Malaisie en 1948[2], les neuf États malais et les deux colonies britanniques de Penang (Georgetown) et de Malacca ont été regroupés au sein d’une seule structure fédérale, et c’est cette fédération qui a accédé à l’indépendance en vertu de la Constitution de la Fédération de Malaisie de 1957. On a eu recours à des moyens autres que le fédéralisme pour gérer les conflits interethniques. Essentiellement, des dispositions de discrimination positive ont été intégrées dans la Constitution en vertu des articles 3 et 153 pour garantir la reconnaissance continue de la position particulière des Malais et de l’Islam. Dès le début des années 1970, le terme Bumiputera ou Bumiputra (« fils de la terre ou du sol » en malais) a été employé pour désigner la majorité malaise musulmane et les autochtones du Sabah et du Sarawak. La Constitution prévoit que toutes les personnes sont égales devant la loi, mais les Bumiputera font exception et bénéficient de privilèges et d’un statut particulier en vertu de l’article 153 (Tay, 2017).
En 1963, la Fédération a accueilli trois nouveaux États en son sein, mais à des conditions différentes de celles accordées aux 11 États existants, créant ainsi une fédération à deux niveaux. Après consultation entre les territoires et le gouvernement britannique, la Commission Cobbold, formée de représentants des gouvernements britannique et malais, s’est rendue au Sabah et au Sarawak en 1962 et a conclu que la majorité des habitants y étaient favorables à la création d’une fédération avec la Malaisie, dans la mesure où la distance, la position particulière du Sabah et du Sarawak, leur immaturité politique par rapport à la Fédération de Malaisie et à la colonie de Singapour d’alors, ainsi que les répercussions de la fédération sur leurs populations autochtones du point de vue ethnique, allaient être prises en considération (Fong, JC 2014). Les assemblées législatives du Sabah et du Sarawak ont voté en faveur de la fédération, sous réserve de garanties appropriées. Un comité intergouvernemental, regroupant des représentants des quatre mêmes gouvernements, a été chargé de débattre de garanties constitutionnelles à offrir au Sabah et au Sarawak. Il a déposé son rapport en février 1963. L’Accord relatif à la Malaisie a finalement été ratifié le 9 juillet 1963 par tous les gouvernements intéressés, et cette fédération a vu le jour le 16 septembre 1963[3]. Il subsiste néanmoins beaucoup de ressentiment au Sabah et au Sarawak, ces deux États ayant été pressés de faire leur entrée dans la fédération bien qu’on ne sache pas précisément, en dépit des conclusions tirées dans le rapport de la Commission Cobbold, si cette issue était celle expressément souhaitée par la majorité de leurs populations (Welsh, 2014).
Parmi leurs principales sources de préoccupation, le Sabah et le Sarawak s’inquiétaient des répercussions éventuelles de la migration sur le territoire, le commerce et les possibilités d’emploi et de carrière des habitants de la Malaisie orientale désormais en concurrence avec ceux, plus qualifiés, de la Malaisie occidentale. En conséquence, ces États se sont vu conférer des pouvoirs en matière d’immigration et ont pu, de ce fait, contenir la migration en provenance de la péninsule. Toutefois, d’autres inquiétudes se sont fait jour, notamment concernant les arrangements financiers et le développement, la position particulière des peuples autochtones du Sabah et du Sarawak, la langue nationale et la religion, le système juridique, la représentation au Parlement fédéral et, naturellement, les garanties prévues pour protéger les États contre tout changement constitutionnel ayant des retombées sur l’une de ces questions. Par ailleurs, plusieurs de ces préoccupations sont demeurées bien après la création de la fédération.
La Commission Cobbold avait insisté sur la nécessité d’instaurer le concept d’égalité et de partenariat (et non de prise de pouvoir) dans le nouveau régime fédéral[4]. Il avait été établi clairement que l’Accord relatif à la Malaisie devait fournir des garanties particulières aux autochtones dans les deux États pour que le Sabah et le Sarawak acceptent d’adhérer à la nouvelle fédération.
Reconnaissance constitutionnelle du Sabah et du Sarawak
Fait important, les événements de 1963 n’ont pas donné lieu à la rédaction d’une nouvelle constitution, comme on aurait pu s’y attendre. En effet, au lieu d’élaborer un nouveau document énonçant la structure et les aspirations de ce nouveau partenariat devant s’ajouter aux modalités prévues dans la Constitution de 1957, on a seulement amendé cette dernière, comme pour signifier simplement que la Grande Malaisie formerait désormais une fédération de 14 États (13 États, finalement) et non une nouvelle fédération regroupant trois entités égales. Le gouvernement de la Fédération de Malaisie a donc cédé la place au gouvernement de la Grande Malaisie, de sorte que le Sabah et le Sarawak ne devenaient pas des partenaires à parts égales à l’échelle infranationale. Il s’agissait en fait d’un vice de conception. En effet, comment deux entités infranationales auraient-elles vraisemblablement pu conclure un partenariat égalitaire avec une entité nationale, donc nécessairement supérieure, et détenant plus de pouvoirs? La Fédération de Malaisie a continué d’exister, mais uniquement comme entité en vertu de son propre système juridique. Elle n’avait pas de gouvernement ni d’assemblée législative distincts de ceux de la Grande Malaisie. Ainsi, même l’article premier de la Constitution énumérant les membres de la Fédération a été révisé par la suite pour éliminer le statut particulier du Sabah et du Sarawak. Par ailleurs, un projet de loi visant à amender de nouveau cet article de la Constitution afin de rétablir le libellé original concernant le caractère distinct du Sabah et du Sarawak a été présenté, mais il est mort au feuilleton, faute d’avoir obtenu la majorité des deux tiers nécessaire au Parlement pour être adopté.
Lorsqu’on examine attentivement la Constitution, on constate en effet que le Sabah et le Sarawak jouissent d’un statut privilégié par rapport aux autres États. En Malaisie, les pouvoirs étatiques se limitent essentiellement aux lois et coutumes islamiques, à l’administration locale, à l’agriculture ainsi qu’à la gestion des terres, des forêts et des ressources naturelles. Les autres compétences, notamment en matière d’aide sociale, de planification sociale et de santé publique, sont généralement exercées par les États. Cependant, le Sabah et le Sarawak possèdent davantage de pouvoirs, notamment en matière d’immigration. Ils disposent également de leurs propres systèmes juridiques et réglementation des professions juridiques, bénéficient de davantage de revenus garantis et disposent d’un droit de veto sur les modifications constitutionnelles les concernant. Aucun autre État ne jouit de tels privilèges (Harding, 2014)[5].
Toutefois, au cours des six dernières décennies, ces deux États ont manifestement vu leur autonomie s’affaiblir et leur situation se détériorer au point de ressembler aux autres États, malgré leur statut constitutionnel particulier et les garanties fournies en 1963 (Harding, 2019).
De prime abord, les pouvoirs supplémentaires conférés au Sabah et au Sarawak peuvent sembler accessoires. Or, les accords conclus et énoncés dans le rapport du comité intergouvernemental (Lansdowne) en 1962, soit l’accord en 18 points pour le Sarawak et l’accord en 20 points pour le Sabah, sont chers aux habitants de ces deux États. Voici un aperçu des principaux enjeux et des issues connues (Chin, 2014a).
i) L’Islam ne devait pas avoir le statut de religion nationale au Sabah et au Sarawak. Néanmoins, il semble que les autochtones aient fait l’objet de pressions et d’autres formes d’ingérence culturelle visant à les inciter à se convertir à l’Islam. Les réformes du système juridique islamique, qui ont nécessité une révision de la Constitution, ont été effectuées sans le consentement des gouvernements du Sabah et du Sarawak[6]. L’Islam a été consacré religion d’État au Sabah en 1973.
ii) Les pouvoirs en matière d’immigration avaient été conférés aux gouvernements des États du Sabah et du Sarawak. Toutefois, ces pouvoirs ont été minés en raison du contrôle exercé par le gouvernement fédéral en matière d’octroi de la citoyenneté.
iii) La « bornéonisation » (c’est-à-dire l’inclusion progressive des Sabahiens et des Sarawakiens) de la fonction publique devait se faire aussi rapidement que possible. Elle n’a jamais eu lieu. Au Sabah en 2013, seulement 40 % des postes de direction dans les ministères fédéraux étaient pourvus par des Sabahiens. Au total, à peine 2 % des fonctionnaires fédéraux étaient des Bumiputera non musulmans originaires du Sabah ou du Sarawak (Chin, 2014a).
vi) Les autochtones des deux États devaient bénéficier des mêmes droits « spéciaux » attribués aux Malais de la péninsule. En 1971, c’était chose faite sur papier du moins, mais il semble que dans les faits, ils aient été traités comme des Bumiputera de deuxième ordre.
vii) Le Sabah et le Sarawak étaient censés bénéficier d’une grande autonomie financière. Touchant seulement 5 % de redevance sur l’exploitation des ressources naturelles, ces États ont été privés de revenus et sont sous-développés sur tous les plans comparativement aux autres régions de Malaisie (Harding, 2017).
Ingérence fédérale
L’ingérence du gouvernement fédéral dans la politique des États fédérés compte parmi les principales sources de ressentiment. Depuis la proclamation de son indépendance le 31 août 1957 jusqu’aux élections du 10 mai 2018, la Fédération a été dirigée par une seule coalition interethnique, le parti Barisan Nasional (Front national) ou BN. De plus, jusqu’en 2008, cette coalition a presque toujours tenu les rênes de la quasi-totalité des gouvernements d’État. Les partis ethniques locaux à voir le jour, comme au Sabah et au Sarawak, estimaient qu’ils avaient avantage à s’allier au BN. Selon eux, le premier ministre fédéral nommerait vraisemblablement les premiers ministres dans les États dominés par le BN, sauf au Sarawak où l’Organisation nationale des Malais unis (UMNO), principal parti contrôlé par le BN, n’avait pas réussi à s’installer. Dans les États dirigés par un parti d’opposition, le gouvernement fédéral prenait généralement tous les moyens en son pouvoir pour mettre des bâtons dans les roues du gouvernement d’État, allant jusqu’à le punir en imposant des mesures de contrôle fiscal et en retenant les fonds voués au développement pour l’affaiblir et forcer son remplacement par un gouvernement d’État du BN.
Cette tendance s’est profilée dès 1966, pendant l’épisode Stephen Kalong Ningkan. Ningkan avait été élu premier ministre du Sarawak pour protéger les droits et intérêts des peuples autochtones, particulièrement leurs droits fonciers coutumiers. Le gouvernement fédéral avait manipulé l’assemblée législative de l’État pour priver Ningkan de sa majorité, ce qui a donné lieu à un litige qui a été porté à l’attention du Conseil privé britannique à Londres. Il est même allé jusqu’à proclamer l’état d’urgence pour modifier la constitution de l’État de manière à favoriser la destitution de Ningkan. Cette entrave à l’autonomie des États allait ouvrir la voie aux pratiques d’ingérence ultérieures du gouvernement fédéral dans la politique du Sabah et du Sarawak, notamment en 1985 et en 1993 et 1994 (Harding, 2019).
De plus, les droits fonciers coutumiers des populations autochtones, en l’occurrence dans le domaine du développement, soulèvent également des préoccupations en matière de droits de la personne. La Commission malaisienne des droits humains (SUHAKAM) a défendu avec vigueur les droits des autochtones, et certains gains ont aussi été enregistrés devant les tribunaux dans la reconnaissance de leurs droits fonciers coutumiers (Suhakam, 2010; Yogeswaran, 2017). Les peuples autochtones dans leur ensemble, « souffrent de façon disproportionnée de maladies pouvant être traitées, enregistrent des taux de mortalité infantile et maternelle plus élevés, ne bénéficient pas de services de base et publics adéquats, sont moins instruits […] la grande majorité vivent dans un état de pauvreté généralisée et permanente, affichent un taux d’analphabétisme élevé et ont un accès limité aux soins de santé [traduction] » (Aiken et Leigh, 2011).
Incidences sur le fédéralisme
Ce qu’il faut retenir du fédéralisme malaisien, c’est que tant qu’un seul parti détendra les pouvoirs à l’échelle fédérale, il pourra exercer son hégémonie et parvenir à ne garder du système fédéral que l’apparence (Harding et Chin, 2014). Au Sabah et au Sarawak, des partis politiques ont tenté de représenter les intérêts des autochtones, mais ils n’y sont pas parvenus, impuissants ou parfois trop corrompus pour les protéger, tant auprès des deux chambres du Parlement que du cabinet fédéral et de la fonction publique fédérale.
Voilà des conclusions peu rassurantes pour les tenants du fédéralisme. Elles démontrent que, malgré la présence de mécanismes que nous considérons comme normaux ou éprouvés, et malgré l’instauration de pouvoirs asymétriques garantis, rien n’a pu empêcher l’érosion des droits des États fédérés ni des droits et intérêts de leurs populations autochtones.
Les autochtones formant la majorité de la population du Sabah et du Sarawak, on peut se demander pourquoi ils ne votent pas contre les partis qui ne font que suivre la ligne du gouvernement fédéral. Les partis de l’opposition ont néanmoins éprouvé beaucoup de difficulté à gagner des votes en dehors des zones urbaines du Sabah et du Sarawak, jusqu’aux élections de 2018 du moins, sans compter que les processus et institutions démocratiques sont peu développés. Les régimes de favoritisme ont su combler les écarts, ralliant les populations autochtones derrière le BN. Par ailleurs, les élus du Sabah ou du Sarawak ont rarement soulevé de préoccupations concernant l’autonomie de leur État respectif. Ils semblent même avoir été complices du déclin politique de leurs pouvoirs.
Les démarches entreprises auprès du gouvernement fédéral pour exiger qu’il redresse la situation, par exemple la dévolution des pouvoirs, ont rarement été accueillies favorablement par les dirigeants fédéraux, ou du moins jusqu’à ce que le parti Pakatan Harapan (Alliance de l’espoir) ou PH accède au pouvoir en mai 2018. Mais le PH n’a fait que mettre sur pied un comité et proposer un amendement constitutionnel, qui n’a pas obtenu la majorité des deux tiers au Parlement pour être adopté. Le gouvernement du parti Perikatan Nasional (Alliance nationale) ou PN (au pouvoir depuis mars 2020) a également promis de s’occuper du Sabah et du Sarawak. Comme son prédécesseur, il a établi un comité chargé de se pencher sur la question, mais il faudra peut-être encore un moment avant de connaître l’issue de ces délibérations. Dans l’intervalle, le ressentiment à l’égard du fédéralisme malaisien s’accentue dans les États de Malaisie orientale, et certains militent même en faveur de la sécession.
Parallèlement, dans ces deux États, les militants parlent tantôt de dévolution des pouvoirs, tantôt de sécession ou encore souhaitent faire invalider l’Accord relatif à la Malaisie en vertu du droit international (faisant écho à l’affaire de la restitution de l’archipel des Chagos, CIJ, 2019) et poursuivre les gouvernements malaisien et britannique pour les forcer à appliquer cet accord. Cependant, comme nous l’avons vu, les problèmes que connaissent le Sabah et le Sarawak relèvent principalement de la sphère politique, tout comme leur résolution d’ailleurs. Dans un régime compétitif et multipartite tel que celui qui caractérise la Malaisie d’aujourd’hui, les partis politiques des États fédérés retiennent la presque totalité des pouvoirs au centre. Pour accéder à une nouvelle autonomie, l’optimisation de ces pouvoirs constitue le meilleur espoir de ces États.
Traduction par Josée Brisson, trad. a.
Citation suggérée : Harding, A. 2021. « Fédéralisme asymétrique et protection des peuples autochtones : l’exemple malaisien du Sabah et du Sarawak », 50 déclinaisons de fédéralisme.
Références
Aiken, S. R., and Leigh, C. H. 2011. Seeking redress in the courts: Indigenous land rights and judicial decisions in Malaysia. Modern Asian Studies 45 (4): 825-875.
Chin, J. 2014. Exporting the BM/ UMO model: Politics in Sabah et Sarawak. Dans: Weiss, M. (dir.), The Routledge Handbook of Contemporary Malaysia, Abingdon: Routledge, pp. 83-92.
Chin, J. 2014. Federal- East Malaysia relations: Primus inter pares?. Dans: Harding, A. J. et Chin, J. (dir.), 50 Years of Malaysia: Federalism Revisited, Singapore: Marshall Cavendish, pp. 152-185.
Fong, J. C. 2014. Constitutional Federalism in Malaysia. Petaling Jaya: Sweet and Maxwell Asia
Harding, A. 2014. Protection of the Indigenous peoples of Sabah and Sarawak under Malaysian federalism. Dans: Harding, A. J. et Chin, J. (dir.), 50 Years of Malaysia: Federalism Revisited, Singapore: Marshall Cavendish.
Harding, A. 2019. A Measure of Autonomy’: Federalism as protection for Malaysia’s indigenous people. Federal Law Review 46 (4): 557-574.
Harding, A. J. et Chin, J. (dir.), 50 Years of Malaysia: Federalism Revisited, Singapore: Marshall Cavendish.
Cour internationale de Justice (CIJ). 2019. Legal consequences of the separation of the Chagos archipelago from Mauritius in 1965. En ligne : https://www.icj-cij.org/en/case/169.
Suhakam. 2010. Human Rights Commission of Malaysia Annual Report 2010, Kuala Lumpur: Human Rights Commission of Malaysia. En ligne: www.suhakam.org.my/c/document_library/get_file?p_l_id=24205&folderId=39678&name=DLFE-10502.pdf.
Tay, Wilson T. V. 2017. Dimensions of Ketuanan Melayu in the Malaysian constitutional framework. Dans: Harding, A. et Shah, D. A. H. (dir.), Law and Society in Malaysia: Pluralism, Religion and Ethnicity, Abingdon: Routledge, pp. 44-71.
Tan, T. Y. 2008. Creating “Greater Malaysia”: Decolonization and the Politics of Merger, Singapore: ISEAS
Welsh, B. 2014. Interview with Tan Sri Simon Sipaun; Interview with Tan Sri Sir Peter Mooney. Dans: Harding, A. J. et Chin, J. (dir.), 50 Years of Malaysia: Federalism Revisited, Singapore: Marshall Cavendish, pp.
Yogeswaran S. 2017. Legal pluralism in Malaysia: The case of Iban native customary rights in Malaysia. Dans: Harding, A. et Shah, D. A. H., Law and Society in Malaysia: Pluralism, Religion and Ethnicity, Abingdon: Routledge, pp. 123-144.
Lectures complémentaires
Harding, A. 2012. The Constitution of Malaysia: A Contextual Analysis, Oxford: Hart Publishing, chapitre 5.
Harding, A. 2017. Devolution of powers in Sarawak: A dynamic process of redesigning territorial governance in a federal system. Asian Journal of Comparative law 12(2): 257-279.
Harding, A. et Chin, J. (dir.). 2014. 50 Years of Malaysia: Federalism Revisited, Singapore: Marshall Cavendish.
Tan, Kevin Y. L. 2017. The creation of Greater Malaysia: Law, politics, ethnicity and religion. Dans: Harding, A. et Shah, D. A. H. (dir.), Law and Society in Malaysia: Pluralism, Religion and Ethnicity, Abingdon: Routledge, pp. 1-17.
[1] Se reporter à la l’article 161A de la Constitution de Malaisie pour obtenir une liste complète des populations autochtones.
[2] Federation of Malaya Order-in-Council 1948, SI 108/ 1948 (UK).
[3] Accord relatif à la Malaisie, intervenu le 9 juillet 1963 entre le Royaume-Uni, la Fédération de Malaisie, Singapour, Sarawak et Bornéo du Nord, Londres, HMSO, 1963.
[4] The Report of the Commission of Enquiry: North Borneo and Sarawak, 1962, Cmnd 1794/1962 (HMSO), paragr. 237.
[5] Constitution, annexe 9.
[6] Constitution fédérale, article 121 (1) (A).