Maude Benoit, professeure au département de science politique de l’Université du Québec à Montréal
Maude Benoit est professeure au département de science politique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Dans ses recherches, elle s’interroge sur les transformations de l’action de l’État au 21e siècle, période bien différente de celle de l’âge d’or de l’État-providence (1945-1975). Elle adopte une approche qualitative et comparée, avec comme terrains d’enquête de prédilection le Québec, la France et le Canada.
Gabriel Lévesque, étudiant à la maîtrise en science politique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et auxiliaire de recherche à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand
Gabriel Lévesque est étudiant à la maîtrise en science politique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et auxiliaire de recherche à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand. Son mémoire fera l’analyse comparée de la fabrique des politiques en matière de cannabis au Québec et dans l’État de Washington.
Résumé
« Exécutif », « collaboratif », « monarchique », « conflictuel » ou encore « judiciaire », le fédéralisme canadien est dépeint de manière éclectique dans la littérature universitaire. À la lumière de la politique de légalisation du cannabis en cours au Canada, nous analysons dans cet article ce que ce processus nous révèle sur la fabrique des politiques publiques dans un régime fédéral où une multiplicité d’acteurs et d’ordres de gouvernement intervient. Il apparaît qu’il n’existe pas un seul « style » ou « type » de relations intergouvernementales, mais plutôt que des dynamiques contradictoires traversent la conduite d’une même politique publique au sein du fédéralisme canadien.
Introduction
Le 17 octobre 2018, le Canada est devenu le premier pays occidental à légaliser l’usage récréatif du cannabis. Cette décision s’inscrit dans un important tournant observé dans les politiques en matière de drogues, où une approche répressive (la lutte contre la drogue) a longtemps été privilégiée. En effet, on observe depuis quelques années un réalignement vers une approche compréhensive optant pour la décriminalisation et la légalisation de certaines substances. Or, contrairement aux neuf juridictions étasuniennes qui ont légalisé le cannabis à la suite d’un référendum populaire sur la question[1], le processus de légalisation au Canada se caractérise par une logique décisionnelle top-down plutôt que bottom-up, c’est-à-dire qu’Ottawa a imposé unilatéralement sa décision à l’ensemble des gouvernements provinciaux. À vrai dire, le processus de légalisation du cannabis en cours est particulièrement révélateur des dynamiques contradictoires qui traversent la fabrique des politiques publiques dans le cadre du fédéralisme canadien, dynamiques sur lesquelles se penche cet article.
Entre fédéralisme « monarchique », fédéralisme collaboratif et fédéralisme de confrontation
Quoique le premier ministre ne soit nullement mentionné dans la Constitution canadienne, il s’agit de la figure prépondérante du pouvoir exécutif au Canada. Depuis la parution du « livre-choc » Governing from the Centre: The Concentration of Power in Canadian Politics du politologue Donald Savoie en 1999, les débats sur le caractère plus ou moins autocratique du régime politique canadien reviennent constamment dans les médias comme dans le milieu académique. Savoie affirme que nous assistons, depuis le règne de Pierre Elliott Trudeau (1968-1984), à l’avènement d’un gouvernement de cour au Canada, se caractérisant par une concentration exceptionnelle du pouvoir aux mains du premier ministre, au détriment à la fois du parlement et du Conseil des ministres.
Cette concentration et cet unilatéralisme du pouvoir s’avèreraient ainsi propices à créer à la fois un déficit démocratique, mais aussi un déficit fédératif, dans la mesure où les différentes provinces n’ont pas nécessairement accès à la « cour du monarque », qui prend pourtant des décisions s’appliquant à l’ensemble du pays. Le processus de légalisation du cannabis rend-il compte d’un tel déficit démocratique et fédératif ?
La mise à l’ordre du jour politique de la légalisation du cannabis – dans la période récente – a respecté à la lettre le modèle processuel de la démocratie représentative. C’est l’aile jeunesse du Parti libéral du Canada qui en propose la légalisation lors du congrès national du parti en 2012, où l’idée reçoit l’appui de 77 % des membres présents. Peu de temps après avoir pris la tête du parti en 2013, Justin Trudeau se rallie à la position de sa formation, lui qui privilégiait initialement la seule décriminalisation du cannabis. Lors des élections fédérales de l’automne 2015, la plateforme électorale du Parti libéral énonce explicitement la promesse de légaliser le cannabis, et Justin Trudeau en fait un engagement politique clair. Six mois après avoir remporté le scrutin, le gouvernement libéral soumet à la Chambre des communes en avril 2017 le projet de loi C-45 proposant la légalisation du cannabis. Sous cette perspective, le processus de légalisation répond tout à fait aux normes procédurales de la démocratie représentative.
Ceci dit, dans une fédération, on peut penser qu’il n’y a pas que l’opinion des citoyens qui compte dans la prise de décision étatique, mais également celle des entités fédérées. Or, le style de leadership exercé par Ottawa dans le processus de légalisation s’est caractérisé à plusieurs reprises par un unilatéralisme plutôt intransigeant, alors que l’enjeu concerne pourtant les deux ordres de gouvernement. En effet, le Code criminel (et donc la décision de légaliser ou non) relève du fédéral, tout comme l’octroi des permis de production du cannabis, tandis que la réglementation concernant la vente du cannabis est du ressort des provinces, lesquelles possèdent également la compétence exclusive en santé et exercent le contrôle sur la majorité des corps policiers au pays. Toutefois, cet enchevêtrement des responsabilités de part et d’autre n’a pas conduit à une légalisation négociée : ainsi, plusieurs gouvernements provinciaux ont demandé à Ottawa de retarder la date d’entrée en vigueur de la légalisation, arguant qu’une période de temps supplémentaire était nécessaire afin de prévoir la gouvernance de la vente du cannabis, de même que les contrôles policiers sur ce qui demeurera illégal (l’usage de la voiture après consommation, par exemple). Cette demande maintes fois effectuée a reçu une fin de non-recevoir du gouvernement fédéral.
Dans le même ordre d’idée, le gouvernement fédéral avait prévu dans sa loi d’organiser lui-même la vente de cannabis (une compétence provinciale) par Internet si des provinces se montraient récalcitrantes à offrir le produit à leurs citoyens. Autrement dit, un mécanisme de court-circuitage était prévu par Ottawa pour passer au-dessus des provinces au besoin. La légalisation du cannabis n’illustre donc pas une politique fabriquée conjointement par les différents ordres de gouvernement, mais plutôt une décision imposée par le fédéral à l’ensemble du pays en faisant fi des partenaires provinciaux. On ne se surprendra pas alors que l’enjeu soulève déjà des litiges constitutionnels entre Ottawa et certaines provinces, comme l’atteste le cas du Québec et du Manitoba qui ont décidé d’interdire la production personnelle du cannabis sur leur territoire, au mépris de la loi fédérale qui permet la culture de quatre plants par citoyen.
La légalisation du cannabis révèle par ailleurs qu’il n’existe pas un seul « style » de fédéralisme dans la conduite d’une politique publique. On observe qu’un fédéralisme dit « collaboratif », préconisant une gouvernance horizontale et moins hiérarchique entre les « partenaires » fédératifs (plutôt qu’une gestion conflictuelle entre « adversaires »), est aussi à l’œuvre. Étonnamment, une telle attitude de collaboration est survenue sur la question du partage des recettes fiscales engrangées par les taxes sur les ventes de cannabis. Ottawa a d’abord offert une division à parts égales des revenus, à laquelle se sont opposées les provinces en insistant sur les coûts en matière de santé et de sécurité publiques qu’impliquerait la légalisation, coûts qui seront assumés majoritairement par les provinces. La ronde de négociation fédérale-provinciale qui s’est déroulée en novembre et décembre 2017 s’est finalement conclue sur un accord stipulant que les provinces obtiendront 75 % des revenus de la taxe sur la vente du cannabis, le fédéral reconnaissant les responsabilités importantes qui reviennent aux provinces dans l’encadrement de la légalisation. Un autre exemple de souplesse dans les relations fédérales-provinciales est la liberté qu’ont les provinces quant au choix du modèle de vente du cannabis sur leurs territoires (public, privé ou mixte).
En somme, la légalisation du cannabis expose l’ambivalence des relations intergouvernementales au Canada dans la fabrique des politiques publiques, oscillant entre unilatéralisme intransigeant, fédéralisme collaboratif et fédéralisme de confrontation. Une fois la politique élaborée, il reste cependant à la mettre en œuvre. Sous cet angle, la légalisation du cannabis met en lumière les tensions qui existent au sein du régime fédéral canadien.
Entre l’esprit de la loi fédérale et la mise en œuvre gruyère des provinces et des municipalités
La coordination intergouvernementale des politiques est l’un des défis que les fédérations doivent surmonter. Ceci est inhérent au fait que plusieurs ordres de gouvernements aux intérêts parfois divergents sont appelés à cohabiter ensemble au sein d’une même entité étatique. Aux États-Unis, la légalisation du cannabis a suivi une dynamique institutionnelle de style « patchwork », c’est-à-dire où certains États ont initié un processus de légalisation tandis que d’autres demeurent dans une logique prohibitive. Ceci illustre les logiques contradictoires qui peuvent résulter de l’absence d’une « fédéralisation » des politiques : ainsi, les actions des citoyens sont criminelles dans certains États et sont conformes à la loi dans d’autres.
On aurait pu croire que l’unilatéralisme d’Ottawa en matière de légalisation aurait eu l’avantage d’éviter les écueils de la non-coordination des politiques, ce qui n’est pourtant pas le cas. Au contraire, on observe un étalonnage d’autorités publiques et privées qui amoncellent des mesures réglementaires parfois divergentes, entraînant une complexification de la légalisation. Ainsi, le traitement réservé au consommateur de cannabis sera fortement différencié selon la province où il se trouve, la municipalité où il vit et même le logement où il habite. Voyons ce qu’il en est avec l’exemple du Québec.
À contre-courant de sa réputation de province parmi les plus progressistes sur le plan social, le Québec est en voie d’adopter sur cet enjeu moral l’approche la plus restrictive au Canada. D’abord, le Québec interdit à ses citoyens de cultiver leurs propres plants personnels, tandis que la loi fédérale (et donc pancanadienne) autorise la culture de quatre plants. De plus, le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ), nouvellement élu le 1er octobre 2018, a annoncé son intention d’élever l’âge légal minimal pour la consommation du cannabis de 18 à 21 ans (les autres provinces ayant toutes fait le choix d’harmoniser l’âge légal de la consommation de cannabis à l’âge légal d’achat de l’alcool, soit 18 ou 19 ans), et de restreindre la quantité maximale de possession de cannabis dans les lieux publics à 15 grammes (plutôt que les 30 grammes permis par le fédéral). Un citoyen canadien vivant au Québec pourrait donc se retrouver en infraction en vertu de la loi québécoise alors qu’il respecte la loi fédérale.
Cette inconstance des législations d’une juridiction à l’autre est encore accrue au Québec par la décision du précédent gouvernement provincial libéral de laisser aux municipalités la liberté d’encadrer à leur discrétion la consommation de cannabis sur leur territoire. Il est d’ailleurs ironique que ce choix ait été justifié par Québec au nom du principe de l’autonomie des « gouvernements de proximité » que représenteraient les municipalités, tandis qu’historiquement elles ont toujours été reléguées à un statut de strictes « créatures des provinces ».
Quoi qu’il en soit, les municipalités se sont réjouies de ce pouvoir. Déjà, une trentaine de villes ont adopté des règlements interdisant toute consommation de cannabis sur leurs territoires… alors qu’il s’agit pourtant dorénavant d’une substance légale ! Mais cet effet « gruyère » de la mise en œuvre de la légalisation ne s’arrête pas là : le gouvernement a aussi laissé la possibilité aux propriétaires d’immeubles résidentiels d’interdire à leurs locataires de consommer du cannabis[2]. Sachant que la majorité des classes paupérisées et des étudiants sont des locataires, un véritable enjeu de justice sociale est en cause ici : non seulement le droit de consommer un produit légal est bafoué, mais cela expose certains segments de la population à être plus à risque que d’autres à se retrouver en situation d’infraction. Si cette inégalité peut paraître théorique (les policiers vont-ils vraiment mettre des ressources pour contrôler ce type d’infraction ?), cela ouvre néanmoins le risque à un phénomène de profilage policier, qu’il ne faut pas écarter puisqu’il existait déjà auparavant, comme le démontre la surreprésentation des minorités visibles dans les délits reliés au cannabis (Goldsmith, 2016; Joseph et Pearson, 2002; Werb et al., 2010).
Au final, l’encadrement de la vente et de la consommation du cannabis révèle l’absence totale de cohérence entre les différents ordres de gouvernement impliqués. Cet échec des pouvoirs exécutifs à coordonner leurs actions s’est d’ailleurs retrouvé au cœur des débats tenus par le pouvoir législatif; et ce sera vraisemblablement le pouvoir judiciaire qui en tranchera l’issue, laissant entrevoir le rôle différencié de chacun de ces trois pouvoirs au sein du régime fédéral canadien.
Entre fédéralisme exécutif et fédéralisme législatif et judiciaire
Le Canada se caractérise par un fédéralisme dit exécutif, au sein duquel les négociations entre le gouvernement central et les provinces s’effectuent quasi uniquement à l’extérieur des enceintes parlementaires, lors de réunions informelles auxquelles assiste exclusivement la branche exécutive du pouvoir (Hueglin, 2014; Poirier et Saunders, 2015). Ce style de fédéralisme n’est pas usuel; habituellement, le principe du fédéralisme repose sur l’idée d’intérêts propres à chacune des entités fédérées (où elles sont souveraines) et d’intérêts partagés par l’ensemble des membres, où l’État central est souverain, mais où il est entendu que l’existence même d’un intérêt partagé dépend d’une représentation des États membres au sein de l’État central. C’est ainsi que généralement les fédérations disposent d’un pouvoir législatif bicaméral, où la chambre basse représente les courants idéologiques traversant la population et où la chambre haute représente les intérêts des entités fédérées, toutes mises sur un pied d’égalité. C’est par l’entremise de cette chambre haute que les entités fédérées peuvent participer aux débats qui ont cours au sein du gouvernement central.
Or, si le Canada possède bien une chambre haute, le Sénat canadien n’a jamais réussi à jouer un tel rôle. Il ne dispose d’aucune légitimité démocratique puisque ses membres ne sont pas élus; d’aucune légitimité fédérative puisque ses membres sont nommés directement par le premier ministre fédéral; et de peu de légitimité politique, puisque pendant longtemps ses membres ont été nommés selon leur degré de proximité partisane du parti politique au pouvoir. Pour ces raisons, le Sénat demeure généralement effacé des débats législatifs. Toutefois, de façon tout à fait inhabituelle, le Sénat s’est montré très actif dans l’étude du projet de loi C-45 sur la légalisation du cannabis[3], avec deux principaux effets sur le processus.
D’abord, les travaux du Sénat qui se sont étendus de novembre 2017 à juin 2018 ont fait en sorte que la date d’entrée en vigueur de la légalisation a dû être reportée, passant du 1er juillet au 17 octobre 2018. Si cela s’explique notamment par les techniques d’obstruction systématique (filibuster) employées par les Sénateurs conservateurs opposés à la légalisation, le temps écoulé repose également sur les 46 amendements proposés à C-45 par la Chambre haute. Le plus important de ces amendements donnait la possibilité aux provinces d’établir les règles sur la production du cannabis à des fins personnelles, et donc leur octroyait le droit d’interdire complètement cette pratique. Le Sénat se faisait ainsi le porte-parole des entités fédérées, et plus particulièrement du Manitoba et du Québec, qui veulent toutes deux interdire la culture personnelle de cannabis. Si l’amendement a été rejeté par la Chambre des communes et que le Sénat a respecté ce choix en approuvant le projet de loi gouvernemental en deuxième lecture, l’institution a tout de même joué un rôle de défenseur des provinces vis-à-vis de l’unilatéralisme du gouvernement fédéral.
D’ailleurs, malgré le rejet de cet amendement, le Manitoba et le Québec persévèrent dans leur volonté d’interdire complètement la culture personnelle de cannabis. Cette mise en œuvre différenciée de la législation à travers le pays, accrue par le phénomène « gruyère » des réglementations municipales mentionné plus tôt, fait en sorte que l’on assiste au Canada à un processus de légalisation à géométrie variable. Cela est d’autant plus problématique que les décisions de ces deux provinces et de certaines municipalités ne respectent pas l’esprit de la loi fédérale (déjudiciariser la consommation du cannabis, briser l’emprise du crime organisé sur la production et la vente du cannabis), voire vont carrément à son encontre (interdiction de la production personnelle, restriction de la quantité permise de possession).
Or, lorsque questionnés sur ces contradictions réglementaires, à la fois le gouvernement fédéral et le gouvernement québécois ont maintenu leur prépondérance juridictionnelle respective, tout en refusant de demander aux tribunaux de dissiper ce flou législatif. Ainsi, les deux ordres de gouvernement reportent le fardeau de la contestation judiciaire sur les épaules des citoyens individuels plutôt que d’assumer eux-mêmes le conflit de compétences constitutionnelles qui en est la cause. Autrement dit, non seulement le citoyen québécois ne disposera pas des mêmes droits que ses voisins des autres provinces, mais en plus il lui reviendra de contester cette iniquité. S’activera donc tôt ou tard dans le processus de légalisation l’un des acteurs parmi les plus importants du fédéralisme canadien, le pouvoir judiciaire.
L’intervention assurée des tribunaux dans le conflit juridictionnel quant à la légalisation du cannabis souligne deux tendances importantes du fédéralisme canadien : l’absence de volonté des élus des deux ordres de gouvernement de mettre en place des mécanismes politiques formels et efficaces pour assurer une négociation sur les politiques impliquant des chevauchements de compétences et, conséquemment, leur acceptation tacite du recours toujours accru au pouvoir judiciaire pour trancher les questions litigieuses. Ainsi, les élus s’effacent en quelque sorte des processus de construction et d’évolution du régime fédéral, pour laisser les juges en dessiner les lignes directrices.
La pertinence de l’analyse des politiques publiques pour la recherche sur le fédéralisme
Cette brève analyse de la légalisation du cannabis en cours au Canada souligne la pertinence de l’étude des politiques publiques pour appréhender le fédéralisme « en action ». Les recherches sur le fédéralisme, du moins dans sa déclinaison canadienne, ont souvent mis l’accent soit sur les institutions du régime fédéral, soit sur une approche centrée sur la culture ou le (multi)nationalisme qui caractérise la Fédération. Sans rien enlever à ces perspectives, l’analyse des politiques publiques nous semble permettre d’en nourrir les questionnements, tout en insistant sur les rapports de force et de collaboration qui surviennent lors des multiples choix concrets qui sont pris tout au long de la conduite d’une politique. Le processus de légalisation du cannabis indique à ce sujet qu’il n’existe pas un seul « style » de fédéralisme qui guiderait l’ensemble des étapes d’adoption d’une politique, mais plutôt que le cheminement d’une intervention étatique en contexte fédéral est jonché de différentes décisions s’inscrivant parfois dans une approche collaborative, parfois unilatérale, à d’autres moments conflictuelle, et où évoluent des acteurs provenant des pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire et des échelles fédérale, provinciale, municipale et du secteur privé.
Citation suggérée : Benoit, Maude et Gabriel Lévesque, 2018, « Que la légalisation du cannabis nous apprend-elle sur le fédéralisme canadien ? », 50 déclinaisons de fédéralisme, 50 déclinaisons de fédéralisme, disponible [en ligne] : https://capcf.uqam.ca/veille/que-la-legalisation-du-cannabis-nous-apprend-elle-sur-le-federalisme-canadien%e2%80%89/.
Références
Goldsmith, William W. (2016). « Drug-War Politics », In Goldsmith, William W. (ed.), Saving Our Cities. A Progressive Plan to Transform Urban America, Cornell, Cornell University Press: 197-214.
Hueglin, Thomas O. (2014). « Embracing Imperfection: How Canada Fares in the Comparative Federalism Literature », In Verrelli, Nadia (ed.), Canada: The State of the Federation, 2011. The Changing Federal Environment: Rebalancing Roles, Montreal and Kingston, McGill-Queen’s University Press: 9-25.
Joseph, Janice et Patricia G. Pearson (2002). « Black Youths and Illegal Drugs », Journal of Black Studies, 32, 4: 422-438.
Poirier, Johanne et Cheryl Saunders (2015). « Comparing Intergovernmental Relations and Cooperative Mechanisms in Federal Systems: An Introduction », In Poirier, Johanne, Cheryl Saunders et John Kincaid (ed.), Intergovernmental Relations in Federal Systems: Comparative Structures and Dynamics, Oxford, Oxford University Press: 1-13.
Savoie, Donald J. (1999). Governing from the Centre: The Concentration of Power in Canadian Politics, Toronto, University of Toronto Press.
Werb, Dan, Benedikt Fischer et Evan Wood (2010). « Cannabis policy: time to move beyond the psychosis debate », Int J Drug Policy, 21, 4: 261-264.
[1] Le Vermont fait figure d’exception en étant la seule des 10 juridictions américaines (en date d’octobre 2018) ayant légalisé le cannabis par voie parlementaire.
[2] La Québec ne fait pas figure d’exception sur ce point : mis-à-part la Colombie-Britannique, l’ensemble des juridictions en Amérique du Nord ont accordé cette possibilité aux propriétaires de logements locatifs résidentiels.
[3] Il faut dire que le Sénat avait déjà montré son intérêt sur cet enjeu en 2002, où un comité sénatorial sur les drogues illicites avait émis un rapport documenté qui recommandait la légalisation du cannabis.