Confédération de demain 2019 – Canada : rapprochement ou éloignement ?

Au sujet de ce rapport

Ce rapport est l’un des trois rapports qui présentent les résultats de cette recherche, et il met l’accent sur l’identité canadienne au pays et sur la façon dont les Canadiens perçoivent la place de leur province ou de leur territoire au sein de la fédération.

Des renseignements supplémentaires sont fournis sous pli séparé ; ils présentent les résultats pour chaque question de l’enquête par région et par province ou territoire, selon les caractéristiques démographiques et pour d’autres segments de la population. Tous les résultats sont présentés sous forme de pourcentage, à moins d’indication contraire.

Sommaire

L’identité

La plupart des Canadiens disent que le pays tient une place importante dans leur sentiment d’identité personnelle. Parallèlement, d’autres identités, en plus de l’identité canadienne, ont pris de l’importance au fil du temps. Les Canadiens sont aujourd’hui plus qu’en 2003 susceptibles de dire que leur région ou leur province, leur langue, leur groupe ethnique ou leur race et leur sexe sont des éléments importants de leur identité. Lorsqu’ils tiennent compte de leur identité canadienne aussi bien que de leur identité infranationale, les Canadiens sont moins susceptibles de dire qu’ils se considèrent uniquement comme Canadien, ou principalement comme Canadien.

À l’inverse, ils sont plus susceptibles de dire qu’ils se considèrent également comme Canadien, puis comme habitant de leur province, ou principalement ou uniquement comme habitant de leur province. Cependant, l’enquête souligne dans quelle mesure différentes identités continuent de se chevaucher au Canada. Moins d’un Canadien sur quatre a déclaré se définir soit uniquement comme Canadien, soit uniquement comme habitant de sa province. La même chose est vraie pour les personnes qui se sont identifiées comme Autochtones : une forte majorité indiquent que leur communauté ou peuple autochtone revêt une grande importance dans leur sentiment d’identité personnelle. Toutefois, la plupart des Autochtones ont déclaré avoir une identité à la fois autochtone et canadienne, plutôt qu’uniquement autochtone ou uniquement canadienne.

La place au sein de la fédération

Le point de vue des Canadiens sur la mesure dans laquelle leur province ou territoire est traité équitablement ou non au sein du système fédéral canadien varie grandement d’une province ou d’un territoire à l’autre. En outre, l’une des principales conclusions de cette enquête est que les perceptions et les tendances sur ces questions varient non seulement d’une région à l’autre, mais aussi entre les provinces et les territoires avoisinants d’une même région.

Cette conclusion soulève des questions sur la mesure dans laquelle les concepts de « région » et de « régionalisme » sont toujours pertinents pour mieux comprendre les dynamiques contemporaines au sein de la fédération.

Ouest du Canada. Cette enquête se déroule dans le contexte d’un ralentissement économique marqué du secteur pétrolier et gazier, qui est le pilier de l’économie de certaines parties de l’Ouest du Canada. Ce ralentissement s’accompagne de tensions politiques montantes entre les provinces, et entre les gouvernements des provinces et
des territoires, concernant la meilleure façon d’équilibrer les besoins de l’économie des ressources avec ceux de l’environnement. Il n’est donc pas surprenant de constater que l’Alberta et la Saskatchewan sont parmi les provinces et territoires les moins susceptibles de dire qu’ils sont respectés au Canada, qu’ils ont leur juste part d’influence
sur les décisions qui se prennent au niveau national et qu’ils reçoivent leur juste part des dépenses du fédéral. La tendance est particulièrement marquée en Alberta : ces questions ont permis de dégager un changement négatif prononcé dans la province. Les Albertains sont maintenant les moins susceptibles parmi tous les Canadiens de dire que leur province reçoit le respect qu’elle mérite, ou qu’elle reçoit sa juste part des dépenses du gouvernement fédéral pour différents programmes et transferts.

Le degré d’insatisfaction des habitants de l’Alberta et de la Saskatchewan est manifeste dans leurs réponses à d’autres questions aussi. Les Albertains et les Saskatchewanais sont, par une forte majorité, les moins susceptibles d’être d’accord avec l’énoncé selon lequel le fédéralisme canadien revêt plus d’avantages que de désavantages pour leur province. Qui plus est, pour la première fois (à la lumière de sondages remontant aussi loin que 1987), des majorités dans les deux provinces sont maintenant d’accord avec l’énoncé selon lequel « les provinces de l’Ouest du Canada tirent tellement peu d’avantages en faisant partie du Canada qu’elles devraient se séparer du Canada ».

Toutefois, cette tendance ne traduit qu’une partie de la réalité de l’Ouest du Canada. Si l’Alberta exprime beaucoup d’opinions négatives concernant la fédération, à l’inverse un changement positif s’est opéré en Colombie-Britannique. Cette tendance divergente a produit un renversement frappant dans les perspectives relatives de ces deux provinces voisines : dans les sondages précédents, les Britanno-Colombiens étaient légèrement moins susceptibles que les Albertains de dire que leur province est traitée équitablement au sein de la fédération, alors qu’ils sont maintenant plus susceptibles d’avoir cette opinion. Les deux provinces sont bel et bien devenues « découplées », en ce sens qu’elles ne peuvent plus être décrites comme partageant une même vision de la fédération, propre à l’Ouest du Canada.

Les habitants de la Saskatchewan sont d’avis que la place de leur province au sein de la fédération s’est un peu améliorée depuis le début des années 2000, contrairement à la tendance observée en Alberta — mais comme les opinions négatives étaient traditionnellement très élevées en Saskatchewan, cette légère amélioration fait tout de même en sorte que cette province fait partie des plus insatisfaites. Les habitants du Manitoba ont quant à eux
une opinion quelque peu distincte sur ces questions. Bien qu’une majorité indique qu’elle est d’avis que la province n’est pas respectée, a moins que sa juste part d’influence sur les décisions qui se prennent au niveau national et reçoit moins que sa juste part des sommes que le gouvernement fédéral dépense, ce sentiment n’est pas aussi marqué que dans les autres provinces des Prairies et n’est pas devenu significativement plus négatif au fil du temps.

Canada atlantique. Bien qu’on ait beaucoup parlé de « désaffection de l’Ouest » récemment, certaines provinces du Canada atlantique se montrent souvent tout autant sinon plus insatisfaites de leur place au sein de la fédération que les provinces de l’Ouest. Terre-Neuve-et-Labrador, plus spécialement, est nez à nez avec l’Alberta pour ce qui est des provinces ou territoires les moins susceptibles de croire qu’ils sont respectés au Canada, qu’ils ont leur juste part d’influence sur les décisions qui se prennent au niveau national et qu’ils reçoivent leur juste part des sommes que le gouvernement fédéral dépense. Pour ce qui est de l’insatisfaction quant à la place au sein de la fédération, la Nouvelle-Écosse n’est pas loin derrière.

Dans la région de l’Atlantique dans son ensemble, toutefois, d’importants écarts ont été observés à la fois quant au degré d’insatisfaction et à la tendance. Les Néo-Brunswickois ne sont habituellement pas aussi négatifs dans leur évaluation que leurs voisins de l’Est. Ceci dit, certaines opinions sont plus négatives au Nouveau-Brunswick que dans les enquêtes précédentes, alors qu’en Nouvelle Écosse elles sont légèrement plus positives (bien que principalement négatives). Ainsi, contrairement aux divergences entre les provinces voisines que sont la Colombie-Britannique et l’Alberta, une certaine convergence a été observée entre le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse : alors qu’auparavant les habitants du Nouveau-Brunswick se disaient beaucoup plus satisfaits que ceux de la province voisine de l’Est, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Enfin, les Prince-Édouardiens continuent de se distinguer des autres Canadiens de l’Atlantique : ils sont parmi les plus susceptibles de croire que leur province est respectée, qu’elle a sa juste part d’influence sur les décisions qui se prennent au niveau national et qu’elle reçoit sa juste part des sommes que le gouvernement fédéral dépense.

Les provinces de l’Atlantique — même les moins satisfaites — diffèrent cependant de l’Alberta et de la Saskatchewan à un égard important, soit que leurs préoccupations concernant le degré de respect qu’elles reçoivent ou l’influence qu’elles ont ne se traduisent pas par le même degré d’insatisfaction envers le fédéralisme lui-même.

Les habitants des quatre provinces de l’Atlantique sont beaucoup plus susceptibles que ceux de l’Alberta et de la Saskatchewan de convenir que le fédéralisme canadien revêt plus d’avantages que de désavantages pour leur province. À Terre-Neuve-et-Labrador, deux tiers des répondants ont indiqué que la confédération a été une bonne chose pour eux.

Québec. Traditionnellement, l’un des principaux objectifs des études d’opinion publique sur le fédéralisme au Canada était de surveiller la montée et la chute de l’appui à l’indépendance du Québec. La présente étude, toutefois, s’est déroulée à la suite des dernières élections fédérales et provinciales, au cours desquelles ont été enregistrés les niveaux d’appui populaire les plus bas à vie pour les partis souverainistes, soit le Bloc québécois et le Parti québécois. Selon l’enquête, la situation au Québec semble être plus attribuable à la continuité qu’au changement. Les Québécois ne sont pas plus susceptibles aujourd’hui qu’ils ne l’étaient à la suite du référendum de 1995 de dire que leur province est traitée avec le respect qu’elle mérite au Canada, ou de croire que le fédéralisme canadien revêt plus d’avantages que de désavantages pour le Québec. En outre, les Québécois sont beaucoup moins susceptibles aujourd’hui de soutenir que leur province a sa juste part d’influence sur les décisions qui se prennent au niveau national.

Sur la question précise de la souveraineté, une majorité de Québécois disent qu’il s’agit d’une idée dépassée ; toutefois, la proportion de personnes qui partagent ce point de vue n’est pas considérablement plus élevée aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a 15 ans. Alors que seulement une minorité de Québécois s’identifient comme souverainistes, la proportion de personnes qui se disent fédéralistes n’est pas plus élevée, et n’a pas augmenté au fil du temps. Enfin, le sentiment selon lequel la langue française est menacée — un facteur clé de corrélation avec l’appui du nationalisme au Québec — est encore plus fort aujourd’hui que dans le passé. Les Québécois ne cherchent peut-être plus à quitter au plus vite la confédération, mais ils demeurent au mieux ambivalents, ou encore des fédéralistes conditionnels.

Ontario. Première province du Canada au chapitre de la population, l’Ontario se démarque comme étant la plus satisfaite. Avec les Prince-Édouardiens, les Ontariens sont les plus susceptibles de dire qu’ils sentent que leur province est respectée, qu’elle a sa juste part d’influence sur les décisions qui se prennent au niveau national et qu’elle reçoit sa juste part des sommes que le gouvernement fédéral dépense.

En fait, l’Ontario est la seule province dont une majorité de répondants ont indiqué que leur province reçoit le respect qu’elle mérite, et qu’elle n’a pas moins que sa juste part d’influence sur les décisions qui se prennent au niveau national. De plus, les habitants de l’Ontario, comme ceux du Québec, sont parmi les moins susceptibles de croire que le gouvernement fédéral favorise une région en particulier par rapport aux autres. En même temps, si les perspectives des Ontariens concernant la place de leur province au sein de la fédération demeurent plus positives que dans les provinces de l’Ouest ou de l’Est, elles sont moins positives qu’elles ne l’étaient au début des années 2000. Il importe par ailleurs de noter que, au fil du temps, d’autres Canadiens sont devenus plus susceptibles d’indiquer que l’Ontario est une province ou région qui reçoit un traitement de faveur d’Ottawa.

Le Nord. Comme pour les provinces de l’Ouest et les régions de l’Atlantique, l’enquête a démontré que les trois territoires du Nord du pays ont des points de vue distincts sur leur place au sein de la fédération, attestant des limites des perspectives régionales sur des questions liées au fédéralisme au Canada. Les habitants du Yukon et du Nunavut semblent relativement satisfaits, mais ceux des Territoires du Nord-Ouest le sont beaucoup moins. Alors que les Yukonnais sont les plus susceptibles de dire qu’ils pensent que leur territoire reçoit le respect qu’il mérite au Canada, les habitants des Territoires du Nord-Ouest partagent l’opinion de ceux de l’Alberta et de Terre-Neuve-et-Labrador, et sont parmi les moins susceptibles de dire qu’ils pensent que leur territoire reçoit le respect qu’il mérite au Canada. Qui plus est, comme dans l’Ouest, des tendances divergentes ont été observées au Nord : le Yukon (comme la Colombie Britannique, au sud) devient beaucoup plus satisfait de certaines mesures au fil du temps, et les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut, beaucoup moins satisfaits. Dans l’ensemble, cependant, les habitants du Nord sont parmi les plus susceptibles de dire qu’ils sont d’avis que le fédéralisme canadien revêt plus d’avantages que de désavantages pour leur territoire.

Rapprochement ou éloignement?

Malgré des points de vue divergents sur le fédéralisme, les Canadiens partagent également des valeurs communes : près de 6 Canadiens sur 10 sont d’accord pour dire qu’ils partagent les mêmes valeurs peu importe la région du pays dans laquelle ils vivent, et près de 7 sur 10 ne sont pas d’accord pour dire qu’ils ont plus en commun avec leurs voisins les Américains qu’avec les autres Canadiens. En outre, bien que les résultats de cette enquête indiquent clairement des divisions profondes au pays sur la façon dont le fédéralisme fonctionne, la plupart s’entendent pour dire qu’un système de type fédéral est préférable étant donné la diversité du Canada. Sept Canadiens sur 10 sont d’accord pour dire qu’« un système de gouvernement fédéral est ce qui fonctionne le mieux pour le Canada parce que nous sommes un pays composé de peuples différents et de nations différentes », comparativement à 1 sur 5 qui est en désaccord. De plus, contrairement à la plupart des autres questions de cette enquête, la majorité des 13 provinces et territoires est d’accord pour dire qu’un système de gouvernement fédéral est approprié pour le Canada. Enfin, deux tiers des Canadiens disent aussi qu’ils ont confiance en la capacité des Canadiens à surmonter leurs différences au sein du pays, comparativement à seulement un quart qui déclarent avoir peu confiance.

Bien que ces derniers chiffres semblent encourageants, la confiance en la capacité des Canadiens à surmonter leurs différences au sein du pays est beaucoup plus faible qu’en 1977. Si, d’une certaine façon, l’intégrité de la fédération canadienne au début du XXIe siècle semble être moins remise en question qu’elle ne l’était au cours des dernières décennies du XXe siècle, les résultats de l’enquête sur la Confédération de demain 2019 ne brossent pas le portrait d’un pays qui est devenu plus uni. Le déclin graduel des proportions de Canadiens qui voient les avantages du fédéralisme et la pertinence du gouvernement fédéral laisse croire qu’un des défis de plus en plus importants au cours des prochaines années sera de jeter des ponts entre les Canadiens d’un bout à l’autre du pays.

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